Londres devrait annoncer le gel du référendum sur la Constitution
Londres devrait annoncer lundi le gel de son référendum sur la Constitution européenne, un soulagement pour Tony Blair sur le plan intérieur et une décision aux risques mesurés au niveau européen.L'événement
L'annonce devrait en être faite par le ministre des Affaires étrangères Jack Straw en milieu d'après-midi à la Chambre des communes, avec des mots soigneusement pesés, pour éviter que la Grande-Bretagne n'apparaisse comme le pays ayant tué un traité moribond depuis les victoires du non aux référendums français et néerlandais.
Selon la presse britannique, M. Straw devrait, comme il l'a déjà fait, insister sur la nécessité de respecter le résultat de ces consultations populaires. Et annoncer le gel du projet de loi qui aurait permis l'organisation du référendum en Grande-Bretagne au printemps 2006, jusqu'à ce que soit clarifié l'avenir du traité constitutionnel. Jeudi, Londres avait demandé à Paris et à la Haye de préciser à cet égard quelle était leur vision de cet avenir.
Sur le plan intérieur, ce gel opportun évite une défaite cuisante au Premier ministre Tony Blair. Un sondage publié vendredi par le quotidien populaire The Sun montrait que le camp du non rassemblait 72% en Grande-Bretagne, contre 57% avant le double non français et néerlandais. Un tel résultat au référendum aurait probablement signé le départ anticipé de M. Blair de Downing Street dès l'an prochain.
A dix jours du Conseil européen de Bruxelles et à trois semaines du début de la présidence britannique de l'UE le 1er juillet, la décision de Londres est en revanche assurée de faire grincer les dents de certains partenaires européens. La plupart s'étaient prononcés pour la poursuite de la ratification, tout comme le président de la Commission européenne José Manuel Durao Barroso, hostile à toute "décision unilatérale" d'un Etat membre.
Samedi soir, le chancelier allemand Gerhard Schröder et le président français Jacques Chirac, soucieux d'affirmer l'"unité de vue" du couple franco-allemand affaibli par la crise, ont à nouveau demandé la poursuite de cette ratification. "Cela ne semble pas intelligent de vous fâcher avec vos interlocuteurs-clés avant de prendre la présidence de l'UE", commente à propos du gel britannique Richard Whitman, responsable du programme européen au Royal Institute of International Affairs à Londres. Mais, ajoute-t-il, "il est probable que la décision britannique de suspendre sa ratification provoquera une petite avalanche de pays qui feront de même".
Déjà, le Danemark et le Portugal l'ont laissé entendre, souligne Aurore Wanlin, chercheuse au Centre for European Reform de Londres. L'Irlande elle-même ne semble plus si sûre de son référendum. "Attendons de voir ce qui va sortir du Conseil européen", a déclaré vendredi son ministre des Affaires étrangères Dermot Ahern. "Vous avez aussi à Bruxelles des commissaires qui ont dit en privé qu'il serait trop risqué de continuer le processus de ratification parce qu'une série de non mettrait en danger l'Europe", note Aurore Wanlin.
Les rejets français et néerlandais de la Constitution pourraient même apparaître comme une chance pour Tony Blair et sa vision libérale de l'Europe, dans une période d'absence de leadership européen, relèvent certains experts. "Le triomphe de la perfide Albion", titrait même cette semaine une chronique de l'hebdomadaire The Economist. Pas si vite, tempèrent d'autres experts. Car le Conseil européen des 16 et 17 juin sera aussi celui du budget 2007-2013, où sera discuté le "chèque" britannique, rabais vieux de 20 ans et âprement contesté. Plusieurs dirigeants rêvent d'un accord pour faire oublier la crise. Et dans ce dossier, Tony Blair, qui refuse pour l'instant tout compromis, est seul contre tous.