Extrait d'une chronique du forum lire:
un rocker de trop P. Fournel
Ce court “roman”, au rythme rapide, comme le jeu de guitare de son anti-héros, est à la fois ironique et nostalgique. Le vieux rocker, même s’il n’a pas tout à fait la quarantaine, propulsé soliste d’un groupe de gamins qui font du rock préhistorique, se sent fatigué. Son manager a perdu de sa splendeur, la gent féminine a déserté son bureau si ce n’est « une secrétaire qui sent l’occase »… Pas facile, après avoir brillé au temps des Chaussettes Noires, après avoir renoncé à la scène pour le travail « tranquille, bien payé [de] requin de studio » de reprendre le train en route, de replonger dans l’enfer des tournées, et qui plus est avec des sales gosses qui ne savent et ne veulent faire que du bruit.
Paul Fournel, secrétaire provisoirement définitif, puis président de l’Oulipo, joue ici avec les retours en arrière qui parfois s’enchâssent les uns dans les autres : les souvenirs de la veille appellent ceux de l’époque de gloire, le début des années soixante. Claude Moine, alias le grand Schmoll, alias Eddy Mitchell est pivot de ces années-là. C’est lui qui l’amenant à Nashville dans ses bagages, permettra à Frédéric Jaunissert, dit Fred Jones de devenir Fast Freddy, guitariste réputé des deux côtés de l’Atlantique. Fred Jones, guitariste talentueux, mais rocker raté : « j’avais une tête banale, [..] je ne savais pas me tenir en scène, [..] je passais mal à la télévision.»
Paul Fournel joue et s’amuse. Fausses citations placées en exergue : « De ses premières chaussettes, on ne se soucie plus. Eddy Mitchell ». Collages : le livre s’ouvre et se clôt sur deux extraits, tout aussi faux de Rock & Folk. Inventaires : la collection de guitares de Fred Jones, les morts du rock. Clins d’œil et référence au rock, bien sûr, mais aussi à la B.D. ou au dessin animé : Fred Jones anticipant son suicide, « Je sauterai comme un zigzag, avec la Gibson pendouillante autour du cou, les baskets à la verticale, les tifs en rayon de soleil, les yeux comme des cibles, la langue bleue tirée au maximum. »
Un rocker de trop se lit comme on réécoute un vieux 45 tours, ça se lit vite, on passe un bon moment, en plus c’est drôle et on se sentirait presque rajeunir. (La description de la première répétion dans une cave pourrie rappellera des souvenirs à beaucoup.) On a un peu la même impression qu’à la fin d’un polar, ce n’est pas de la très grande littérature, mais ça fait plaisir.
Humm cela doit être amusant à lire.
Dominique Fagnot