Il était une fois à l’Education
Nationale…
Il était une fois un jeune
enseignant fraîchement muté dans une belle région de collines et de plateaux,
de champs de betteraves et de pommes de terre à perte de vue… Ce jeune
enseignant avait obtenu avec circonspection le statut assez pléonasmique de
Titulaire sur Zone de Remplacement, statut qui lui conférait en fait le
privilège rare de se trouver employé et donc rémunéré à ne rien faire (ou si
peu…hanter la salle des professeurs, assurer un tout petit peu de soutien à des
élèves en très grande difficulté, assurer une permanence au C.D.I., animer
quelques clubs d’activités péri-scolaires liées à sa discipline
d’enseignement)…
Ne sachant trop se plaindre de
cette situation que d’aucuns pourraient trouver enviable, même si elle
s’avérait en réalité lamentable voire scandaleuse, ce jeune enseignant
commençait à se trouver inutile et craignait de s’installer dans cette vie vide
où il avait le temps pour tout et rien .
Mais au bout d’un trimestre,
alors qu’il employait une de ses journées à suivre une formation fort
enrichissante sur l’usage des Technologies de l’Information et de la
Communication dans l’Enseignement, il reçut un message du principal de son
collège de rattachement dont il hantait jusqu’alors les couloirs de son âme
d’enseignant en manque d’élèves… Ce message l’informait que le rectorat, ou
plutôt les rouages machiavéliques et pernicieux de l’usine Education Nationale,
venait de lui attribuer une suppléance à Breteuil et à Marseille…………. en
Beauvaisis !
Pris d’une joie et d’une
excitation qui lui firent pousser des ailes afin de lui permettre de rentrer
chez lui plus prestement, le jeune enseignant se précipita sur internet pour
s’enquérir de la localisation et des coordonnées des collèges Compère Morel et
Philéas Lebesgue.
Puis il téléphona aux deux
collèges sus nommés et, n’ayant pu joindre que le collège de Breteuil, apprit
avec contentement qu’il aurait en charge trois classes de quatrième et deux
groupes de troisième dite d’insertion (dans quoi ?) à Breteuil, et
d’autres heures de classes au collège de Marseille. Il obtint donc à sa grande
satisfaction un vrai emploi du temps en due forme…Et pas en bonne forme puisque
cet établissement lui imposait de faire cours le matin à Breteuil, et
l’après-midi à Marseille, apparemment sans lui permettre de se sustenter entre
les deux…
Notre jeune héros prit donc
rendez-vous au collège de Breteuil pour le lendemain, afin d’y rencontrer le
personnel, de découvrir l’établissement et son environnement, son fonctionnement,
et afin de recueillir les informations et documents nécessaires à la
préparation de cours pour le lundi suivant.
Le lendemain matin, il réussit
aussi à joindre le collège de Marseille, mais il eut l’étrange surprise
d’apprendre que l’enseignante qu’il devait remplacer était déjà remplacée…
Il se résolut donc à contacter,
au rectorat, la Direction du Personnel Enseignant où son très avenant
interlocuteur l’informa qu’effectivement, l’enseignante qu’il devait remplacer
était déjà remplacée par un autre remplaçant, mais que ce remplaçant n’avait
été signalé en poste que par le collège de Marseille, et non par le collège de
Breteuil, où l’enseignante à remplacer effectuait d’ordinaire la majeure partie
de ses cours…
La mort dans l’âme, notre jeune
enseignant vit tous ces projets pédagogiques s’écrouler et il prévit à nouveau
les heures d’attentes et de gâchis qui l’attendaient devant lui…
Cependant, il se résolut à
remettre sur pied son week-end à Paris et ses projets d’apprentissages
culinaires et guitaristiques ; enfin, il vous passe à tous le bonjour.