L'escroc signait "Philomène"
L'arnaque date déjà de nombreuses années. Apparue au Nigeria, elle s'est vite étendue aux pays voisins. Dans les années 80, elle se diffusait par fax, voire par courrier. Elle s'est adaptée depuis à Internet et prolifère sous forme de spams. Et continue à faire des victimes... Qui n'a pas déjà reçu un de ces mails provenant soi-disant d'un dirigeant ghanéen renversé, ou d'un prétendu ancien haut-fonctionnaire nigérian, ou encore signés de la veuve ou de la fille d'un dictateur assassiné ? Une série de ces messages envoyés par un même groupe d'escrocs, notamment une variante signée de "Philomène", prétendument fille d'un général ivoirien, a récemment fait des ravages dans l'Ouest de la France et conduit au démantèlement d'un réseau implanté au Cameroun.
L'enquête a débuté à Rennes après une plainte déposée en février 2006. Une commission rogatoire du parquet de Rennes a permis dans un premier temps d'interpeller, le 11 avril à Paris, deux Nigérians au moment où ils rencontraient une victime lyonnaise. Ces deux premiers suspects étaient eux-mêmes en contact avec le commanditaire du réseau à Abidjan et ont permis aux enquêteurs de remonter la filière. Et le 28 septembre dernier, l'organisateur présumé de l'arnaque était arrêté par les policiers d'Abidjan, contactés par les enquêteurs français. Il s'agit d'un gérant de cybercafé d'une trentaine d'années. Il est actuellement toujours détenu au Cameroun et la France a demandé son extradition, qui devrait intervenir rapidement.
Un message alléchant... et des désillusions
Le message servant d'appât à ce genre "d'arnaque à la nigériane" est toujours bâti sur le même modèle : une demande pressante d'aide pour faire sortir d'Afrique une importante somme d'argent. Pour cela, l'auteur du mail affirme avoir besoin d'un complice, prêt à laisser transiter les dites sommes sur son compte en banque. En échange, bien sûr, d'une rétribution... Dans son mail, "Philomène" affirmait ainsi vouloir quitter la Côte d'Ivoire, où elle se disait menacée après l'assassinat de son père général, et vouloir transférer discrètement les 2 millions d'euros constituant son héritage. Elle proposait 25% à qui voudrait l'aider.
L'offre paraît alléchante, mais pour ceux qui s'y laissent prendre, la désillusion vient vite : avant de bénéficier des largesses promises, il faudra avancer des "frais d'avocat", "droits de transaction", taxes diverses... Les montants deviennent vite imposants et les victimes, bien entendu, ne récupèrent jamais leur argent. Le transfert de la somme promise est toujours contrarié, par la situation politique qui se dégrade dans le pays concerné, par une prétendue attaque dans un camp militaire... et il faut toujours payer plus. "Philomène" a ainsi fait au moins 80 victimes, essentiellement dans l'Ouest. Une Nantaise a versé 120.000 euros en un an. Un chef d'entreprise du bâtiment a hypothéqué sa maison et perdu 70.000 euros. Montant estimé de la récolte : dans les 500.000 euros.
Méfions-nous de Mena, elle va bientôt vouloir nous extorquer de l'argent...