INTERVIEW - L'ancien ministre de l'Éducation nationale de Jacques Chirac observe que le contexte de crise a nui au projet. - Êtes-vous étonné par ce revirement du gouvernement sur la réforme du lycée ? Luc
FERRY. - Je suis très surpris parce que j'ai vu Xavier Darcos il y a
quatre jours pour lui dire tout le bien que je pensais de sa réforme du
lycée. Alors que je suis au contraire très négatif sur sa réforme du
primaire qui consiste à supprimer des heures de cours. Cela me
rappelle à quel point j'étais désespéré, anéanti lorsque Chirac m'avait
demandé de retirer mon texte sur l'autonomie des universités en 2003.
Cette réforme du lycée, il fallait la faire car la série littéraire (L)
est exsangue. Un rééquilibrage des filières était nécessaire. Il
s'agissait aussi de mieux préparer les jeunes à l'université et de
supprimer des heures de cours. Une heure en moins, c'est 4 000 postes
économisés. Avec les deux heures et demie en moins que prévoyait le
texte ces derniers jours, on aurait économisé 10 000 postes
d'enseignants. Et dans le schéma initial, on réglait tous les
problèmes de suppressions de postes !
Le ministre affirme pourtant qu'il n'abandonnera pas sa réforme. Malheureusement
quand on reporte une réforme, ça signifie en langage politique qu'elle
est enterrée. Moi aussi Jean-Pierre Raffarin m'avait dit : tu verras,
on la refera l'an prochain ta réforme. Je n'étais évidemment pas dupe.
L'autre problème qui a peut-être nui à Xavier Darcos, c'est que cette
réforme est d'inspiration libérale. Dans le contexte actuel de crise,
une réforme libérale, ça ne passe pas. Il suffit d'ouvrir les yeux. Je
pense aussi que Xavier Darcos était mal à l'aise avec cette idée d'un
« lycée à la carte » qui ne correspond pas à ses idées républicaines.
C'est toujours difficile de conduire une réforme qui ne colle pas avec
votre image.
Mais dans le contexte actuel, n'était-il pas sage de reculer ? Quand
les arguments employés par vos adversaires sont inexacts, il ne faut
pas céder. Dans les manifestations, les lycéens racontent souvent
n'importe quoi. Quant aux jeunes qui manifestent parce qu'on leur
supprimerait une ou deux heures de cours, ça me fait rire. Il faut tout
de même savoir que nous sommes le seul pays européen à compter jusqu'à
35 heures de cours par semaine au lycée !
A chaque fois qu'on a nouveau ministre de l'éducation , il nous annonce qu'avec lui tout va changer !!! Cependant , je n'ai pas le souvenir , d'un seul qui n'ai pas reculé ou qu'on ai pas "conseillé" de reculer