Il est né le divin varan
Ça ressemble à un joli conte de Noël chez les reptiles. En
cette période de célébration de la Nativité, Flora, varan de Komodo
femelle, attend avec impatience l'éclosion imminente de ses sept
petits. Simple coïncidence ou clin d'oeil de l'évolution, Flora a conçu
sa descendance seule."Nous avons été soufflés lorsque nous nous
sommes rendus compte de ce qu'elle avait fait", explique Kevin Buley,
spécialiste des reptiles au zoo de Chester (nord de l'Angleterre), où
vit Flora. "Mais il certain que nous n'allons nommer aucun des petits
Jésus".
Natifs d'Indonésie, les varans de Komodo sont les plus
gros lézards du monde. Si plusieurs espèces reptiles se reproduisent de
manière asexuée, selon un processus baptisé parthogénèse, la grossesse
virginale de Flora et celle cette année d'une de ses congénères du zoo
de Londres, Sungai, sont les premiers exemples de ce type chez les
varans de Komodo. Ces deux cas sont recensés dans l'édition du magazine
britannique "Nature" publiée jeudi.La parthogénèse est un
processus selon lequel un ovule évolue en embryon sans fécondation
mâle. Avec l'exemple de Flora, les scientifiques cherchent désormais à
savoir si les femelles varans ont toujours eu, de manière latente,
cette capacité de reproduction ou s'il s'agit d'une nouvelle étape de
l'évolution de l'espèce.Agée de huit ans, Flora est sexuellement
mûre mais, ayant toujours vécu en captivité, n'a jamais été en contact
avec un varan de Komodo mâle. Elle vit avec sa soeur Nessie.Ses
gardiens ont commencé à avoir des doutes en mai, lorsqu'elle a pondu 25
oeufs. Il n'est pas inhabituel pour les varans femelles de pondre sans
accouplement, ces oeufs ne sont pas fécondés. Par précaution, les
gardiens du zoo de Chester les ont pourtant placés dans un incubateur.Lorsque
trois d'entre eux ont éclos, les scientifiques y ont regardé de plus
près. "Nous avons vu des vaisseaux sanguins et un petit embryon",
explique Kevin Buley. "Nous avons immédiatement su que Flora avait
fécondé elle-même les oeufs".
Les gardiens ont alors envoyé les
oeufs éclos, ainsi que des échantillons de peaux de Flora, Nessie et
d'un varan mâle, à un laboratoire de Liverpool pour y déterminer leur
parenté génétique. Les résultats ont montré que, même si les embryons
ne sont pas des clones exacts de Flora, leur ADN ne provient d'aucun
autre varan.Au zoo de Londres, Sungai avait elle aussi donné
naissance à quatre petits par auto-fécondation. Après leur naissance,
Sungai s'est accouplée normalement avec un mâle de son espèce, donnant
naissance à un nouveau petit."Les varans de Komodo semblent
capables de pouvoir changer leur mode de conception en cas de pénurie
de compagnons adéquats" et ainsi s'adapter à leur environnement,
observe le Dr Rick Shine, professeur de biologie évolutive à
l'université de Sydney (Australie).Ce particularisme pourrait
être très utile à la préservation des varans de Komodo -espèce dont il
ne reste plus qu'environ 4.000 représentants sauvages, dont 1.000
femelles- ainsi que d'autres espèces. Il pourrait également aider à
mieux comprendre le phénomène de parthogénèse et notamment accélérer
les recherches sur les cellules souches.
Et si la prochaine étape de notre évolution c'est que les femmes puissent s'autoféconder elles résoudraient beaucoup de leurs problèmes en même temps.