Tohu-Bohu
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 Aventure des temps modernes

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JB40230
Tohu-Bohien
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MessageSujet: Aventure des temps modernes   Aventure des temps modernes EmptyLun 25 Juil - 19:13

L'homme à la main coupée, par Charlie Buffet

LE MONDE | 23.07.05 | 14h09 • Mis à jour le 25.07.05 | 12h54

Aventure des temps modernes H9ill67504405072409ralstonx1p3
Le 8 mai 2003, quand Aron Ralston est entré dans l'annexe du St Mary's Hospital de Grand Junction (Colorado) pour sa première conférence de presse, il avait encore les yeux un peu vagues des sédatifs ingurgités en une semaine de soins intensifs. Il a souri à la soixantaine de journalistes et aux caméras et, de sa main gauche, a pris une photo. Cet instant où il devenait, à 27 ans, un "personnage médiatique" était le tournant de son existence. "J'avais vingt minutes pour me présenter sous mon meilleur jour" , écrira-t-il. Surtout, il voulait immortaliser l'expression incrédule de tous ces visages fixant, ensemble, un même point : son avant-bras coupé.

Depuis huit jours, les agences de presse diffusaient son histoire : le 1er mai, le jeune aventurier s'était amputé lui-même pour se libérer d'un bloc d'une demi-tonne qui le retenait prisonnier au fond d'un canyon de l'Utah. La randonnée a mal tourné, mais Aron ne regrette rien.
Aron Ralston aime enregistrer tout ce qui lui arrive. Au collège, au concert, ses copains se souviennent l'avoir toujours vu un appareil photo ou une caméra en main. Le 26 avril 2003, lorsqu'il est parti pour le Blue John Canyon, dans l'Utah, il avait emprunté l'appareil photo numérique d'un ami : le sien avait disparu deux mois plus tôt sous une avalanche. Dans son petit sac à dos, il n'avait que l'essentiel pour une descente de canyon d'une journée : un baudrier, une corde de rappel, des sangles et cinq mousquetons, deux barres énergétiques et 4 litres d'eau. Plus, dans le rabat, une pince multifonctions, une lampe frontale, un baladeur avec deux disques de son groupe préféré, les Phish. Et une petite caméra.
Ce samedi matin, après avoir laissé son VTT, il a été surpris de rattraper deux jeunes femmes. La descente des canyons a beau être une activité à la mode, la région, une centaine de kilomètres au nord du Grand Canyon, est tellement déserte qu'on peut y marcher des jours sans croiser âme qui vive. Les trois ont fait connaissance. Aron a précédé Megan et Kristi entre les falaises de grès, hautes comme les murs d'un temple égyptien, qui se resserraient peu à peu jusqu'à former un couloir sombre. Leurs voix flottaient dans le silence fossile, déformées par l'écho.
Plus loin, les "deux ravissantes filles du désert" ont dû prendre à gauche pour retourner vers leur 4 × 4, Aron voulait poursuivre la descente vers une falaise couverte de peintures rupestres ¬ une balade d'une bonne douzaine de kilomètres. Le garçon a proposé aux filles de l'accompagner ; elles ont tenté de le convaincre de rentrer boire une bière. Aron n'a pas voulu renoncer à son objectif.
A la dernière page de Plus fort qu'un roc , Aron Ralston se souvient de cet instant décisif de la séparation avec les "deux anges " envoyés à lui, et assure qu'il ne regrette pas son choix : "J'ai eu de la chance dans tout ce que j'ai entrepris au cours de ma vie, je n'échangerais cela pour rien au monde, y compris ma main coupée."
Au moment des adieux, l'une des filles l'a pris en photo, de profil devant l'ouverture d'une gorge sombre. Une plume de corbeau fichée sur sa casquette, il joue les éclaireurs, se grattant le menton de la main droite. Sa montre est à son bras gauche, qui tient une carte. Bientôt, le goulet devenant plus étroit, il va l'accrocher sur le rabat de son sac à dos pour la protéger. C'est un geste important, car, pendant les six jours qui suivent, l'écoulement des heures va prendre pour lui une valeur qu'il ne connaissait pas.
La vie d'Aron Ralston ne l'a pas habitué à contempler le temps qui passe. A 26 ans, cet aventurier semi-professionnel aime vivre vite et dangereusement. Cet éternel premier de la classe, qui dit avoir appris de ses parents l'excitation du dépassement de soi, a goûté la réussite professionnelle chez Intel. Mais l'amour de la nature sauvage a été le plus fort. Aron aime se retrouver seul dans des paysages immenses, il mesure alors "combien nous sommes petits et courageux" . Il brûle de se frotter à l'adversité pour éprouver ses limites. Tragédie à l'Everest , le livre où Jon Krakauer raconte la mort de plusieurs alpinistes sur le Toit du monde, l'a transporté : "Cette tragédie me donnait envie de tester mes capacités. Je voulais savoir qui j'étais vraiment : étais-je de ceux qui se laissaient mourir ou au contraire de ceux qui surmontaient les obstacles pour se sauver et sauver les autres ? (...) Je voulais explorer la profondeur de mon caractère." Le livre de Krakauer, un best-seller aux Etats-Unis, a suscité de nombreuses vocations de ce type ¬ des envies de tragédie.
Lorsque Aron a compris que son emploi d'ingénieur mécanique le conduisait loin de ces épreuves initiatiques, il a démissionné. Le jour de son départ en "retraite", il a envoyé un mail à tous ses amis avec une citation ronflante de Goethe : "La hardiesse a du génie, de la force et de la magie."
Il s'installe à Aspen, une station de ski du Colorado, et trouve un emploi de vendeur dans un magasin de matériel de montagne. L'Etat rectangulaire est le centre de gravité de la wilderness dans l'Ouest américain. Depuis cette plate-forme stratégique, Aron rayonne, abordant sa nouvelle carrière avec sérieux. Oublié, l'ingénieur, le voilà outdoorsman : plus que simple "adepte des sports de plein air", une identité. Avec son pick-up aménagé pour le camping, son studio en colocation et son emploi alimentaire, il espère s'intégrer à cette communauté en voie de développement dans les stations touristiques des Rocheuses...
Il est touche-à-tout plutôt que spécialiste : les alpinistes le rangent parmi les peakbagers , les collectionneurs de pics. En un seul hiver, il coche neuf sommets supplémentaires sur sa liste des "plus de 14 000 pieds" du Colorado. Il collectionne aussi quelques aventures qui posent son homme : sauvé de justesse de la noyade dans les eaux furieuses du Colorado, poursuivi une journée entière par un ours affamé, enseveli par une avalanche, victime d'engelures sur un des pics "vaincus" en hiver... Mais Aron ne doute jamais, au contraire : "Les huit doigts gelés faisaient partie de l'aventure."
Peu après avoir quitté les deux jeunes femmes, Aron s'arrête un instant, le temps de prendre en photo son ombre avec la plume de corbeau, qu'il trouve " débile ", et de mettre ses écouteurs sur les oreilles. Il marche au rythme du rock des Phish, s'enfonçant dans la gorge de plus en plus étroite, dont il peut bientôt toucher les "murs" des deux mains. Des blocs de grès aux formes polies par l'érosion sont coincés en équilibre entre les parois. Arrivé au-dessus d'un ressaut de 4 mètres, il prend pied sur un de ces blocs, "gros comme un pneu de camion". Il veut le désescalader et s'y suspendre par les mains pour se laisser tomber sur le lit à sec du ruisseau. Mais, au moment où son corps bascule, le rocher, déséquilibré par son poids, le suit dans sa chute.

Dans un geste réflexe, il tend les bras pour repousser cette masse de plusieurs centaines de kilos qui ricoche entre les parois ; sa main droite est écrasée entre la muraille et le bloc, qui continue de descendre d'une trentaine de centimètres, puis s'immobilise. Aron tire trois fois d'un coup sec en hurlant de douleur, hystérique. Sa main, broyée par le monstrueux boulet, le retient prisonnier. Il est pris au piège.


Il se débat d'abord frénétiquement, tente de soulever le rocher avec une telle violence qu'il se claque un muscle de la cuisse, boit avidement le tiers de sa gourde d'un litre, puis se fige : il réalise que personne ne connaissait sa destination, que ses proches ne s'inquiéteront qu'à partir du mardi, lorsqu'il ne se présentera pas à son travail, et que les secours ne seront déclenchés que vingt-quatre heures après. Aron regarde sa montre : il est 15 h 28, le samedi 26 avril. Il va rester prisonnier jusqu'au jeudi 1er mai à 11 h 32. Pendant cent dix heures.
Les chasseurs savent que les renards pris au piège sont capables de se ronger la patte pour se libérer. Pour un homme, cent dix heures sans sommeil est peut-être le temps qu'il faut pour se préparer à un tel geste.
Dans son livre, Aron raconte ces six jours avec une mémoire extraordinaire des détails et du temps qui passe. Il reconstitue, presque heure par heure, ses tentatives pour se dégager : comment il a martelé le rocher avec la pointe de son couteau (mais le bloc s'affaissait à mesure qu'il l'entamait) ; comment il a rationné ses réserves d'eau, une gorgée toutes les heures et demie, puis bu son urine ; comment il a tenté d'installer un mouflage pour soulever le rocher avec sa corde de rappel (mais celle-ci était trop élastique) ; comment l'idée de s'amputer lui est venue très tôt (mais, outre l'horreur que lui inspirait ce geste, il lui semblait impossible de couper les os de son avant-bras).
Il raconte les nuits glaciales et interminables, sa "danse" le matin pour exposer son pied au premier rayon de soleil, le morceau de musique qui lui tournait infiniment dans la tête, ses tentatives pour prier, les hallucinations qui lui offraient quelques minutes de répit où s'évader de son corps.
Le mercredi soir, c'était le 30 avril, il a gravé son épitaphe dans le grès avec le mois de sa naissance, "OCT 75", et celui de sa mort, "AVR 03". Qu'il puisse survivre jusqu'au mois de mai, c'est-à-dire jusqu'au lendemain matin, lui semblait une perspective lointaine, et l'erreur, de peu d'importance.
Dès le deuxième jour, le dimanche, il avait essayé une première fois de se faire un garrot et de couper son avant-bras. La vision de la lame sur la peau de son poignet a déclenché une image de suicide, une vague nauséeuse, puis une prise de conscience : "C'est bien moi qui me suis mis dans cette situation (...). Je recherchais l'aventure, je l'avais trouvée."
Quelques instants plus tard, Aron a enregistré le premier de ses messages vidéo. Il s'adresse à sa famille, à ses amis, décrit sa situation, ses tentatives pour se libérer. Au fil des jours, l'opération devient un rituel. C'est un testament de plus en plus explicite et précis qu'il enregistre, qu'il regarde ensuite sur l'écran de contrôle, "fasciné" . Dans le dernier message, il nomme quatre amis, qui devront disperser ses cendres dans quatre de ses lieux préférés des Etats-Unis.
Le jeune homme s'est aussi photographié sans rien omettre. Ses traits émaciés, son regard apeuré, son bras coincé. Une tache de sang sur le rocher, après l'amputation. Lui-même encore, son moignon enveloppé dans un sac plastique.
Le jeudi matin, il avait perdu le contrôle de lui-même. Il avait empoigné une pierre, frappé sauvagement le rocher en sanglotant. Déshydraté, il n'avait plus de larmes. Il a senti que la gangrène attaquait sa main prisonnière. A deux reprises, il a pesé de tout son poids sur son membre emprisonné, les os de son avant-bras ont cassé. "Un claquement résonne dans le canyon, comme un coup de pistolet avec un silencieux." Ralston décrit sur trois pages, un vrai manuel d'anatomie, comment il a coupé son bras, entre 10 h 32 et 11 h 32.
La voix qui répond au téléphone est jeune, chaleureuse. Moins Don Quichotte qu'il paraît dans son livre, Aron positive. Il semble heureux sans mélange de sa vie, de ce que cette aventure lui a apporté. Sa passion de l'aventure est " intacte" , il revient d'une ascension solitaire, se prépare pour la Hard Rock 100, une course à pied de 160 km, il veut gravir le top 50 des sommets américains (un par Etat) en 50 jours. Il est retourné dans le canyon avec une équipe de NBC et a incinéré sa main. Pour Halloween, il s'est déguisé en capitaine Crochet.
Il vit désormais de ses conférences. Il exhibe sa prothèse, il y a des évanouissements dans le public, il aime transformer l'incrédulité en compréhension. Son message, rodé et calibré, fait mouche. Dans un système qui en demande, Aron Ralston fait la star.
"Ce que j'aime faire passer , dit Aron au téléphone, c'est qu'ils sont comme moi, des gens normaux qui peuvent se révéler capables de faire des choses extraordinaires. J'aime cette idée que nous avons tous cette capacité de faire beaucoup plus que ce dont nous nous croyons capables." Selon le Nationwide Speakers Bureau de Beverly Hills, son tarif est de 20 000 à 25 000 dollars par conférence.
A la demande de sa mère, il n'a jamais montré au public la vidéo tournée dans le canyon. Il en a déposé une copie à la banque. Il veut être sûr de pouvoir la regarder, un jour, avec sa future famille : "Pour moi cette expérience montre l'importance de la famille. Des gens disent qu'au moment où ils se voient mourir il voient leur vie défiler dans un flash. Moi, j'ai pensé à ma famille."
Aron Ralston négocie avec des studios de Hollywood les droits d'adaptation cinématographique de son aventure. Il a plusieurs interlocuteurs "de gros calibre" , et une même exigence : "Je veux participer à l'écriture du script, à la production, au tournage. Je serai sur le plateau."
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MessageSujet: Re: Aventure des temps modernes   Aventure des temps modernes EmptyMar 26 Juil - 8:02

Je ne sais pas quoi dire.


Pendant ma lecteur j'ai laché un: Oh mon Dieu !


Les gens, c'est vrai, sont capables de plus qu'ils ne le pensent mais là cet homme est fait d'un bois particulièrement rare !



:shock:
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MessageSujet: Re: Aventure des temps modernes   Aventure des temps modernes EmptyMar 26 Juil - 11:36

c'est vrai il a raison de vouloir regarder la video plus tard avec ses enfants je pensent qu'ils apprecieront... et puis ca leur fera bosser un peu l'anatomie... *bravo
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