Les riches ont-ils des enfants intelligents?
Les résultats aux tests d'entrée aux universités américaines présentent
d'étranges corrélations. De quoi alimenter une polémique
outre-Atlantique.
Les riches ont-il des enfants plus intelligents que les pauvres? La
question agite les blogs économiques américains, rapporte l'économiste
blogueur
Olivier Bouba-Olga. Le débat a été lancé par la rubrique Economix du site Internnet du
New York Times,
qui a publié les résultats aux tests d'admission à l'université en
fonction des revenus des familles des candidats. Les deux courbes
suivent des trajectoires parallèles.
"Corrélation"L'auteur du post, Catherine Rampell, se garde d'en tirer des
conclusions mais souligne la forte "corrélation" entre les deux
courbes. Professeur d'économie à Harvard, Greg Mankiw s'est empressé de
commenter le graphique
sur son blog, sous le titre "La corrélation la moins étonnante de tous les temps".
Selon lui, une variable a été oubliée: le QI des géniteurs. "Les
parents intelligents gagnent plus d'argent et transmettent leurs bons
gènes à leur descendance", qui obtient donc de meilleurs résultats aux
tests scolaires. CQFD.
Le professeur ajoute "qu'il serait intéressant de voir à quoi ressemble
la même courbe concernant exclusivement les enfants adoptés par les
familles riches. Elle devrait être beaucoup plus plate", signifiant par
là que les enfants adoptés recevraient des résultats moins bons que les
enfants naturels.
Enfants adoptésCette étude existe. Elle est exhumée à l'occasion du débat par un autre blog,
Marginal Revolution.
La courbe des résultats des enfants adoptés, en effet, est beaucoup
plus plate. "Les courbes montrent le lien fort entre revenu des parents
et des enfants biologiques, et l'absence de lien entre revenu des
parents et des enfants adoptés", observe Olivier Bouba-Olga.
Et alors? "Corrélation n'est pas raison", répètent à l'envie les
statisticiens. Ce n'est pas parce que les enfants des parents les moins
riches obtiennent de moins bons scores aux tests scolaires qu'ils
doivent blâmer pour autant leurs parents moins intelligents.
La question est bien plus complexe que l'assertion selon laquelle "les
gens intelligents gagnent plus d'argent et ont des enfants
intelligents", explique le prix Nobel d'économie Paul Krugman
sur son blog.
NaïvetéTout n'est pas question d'intelligence, les revenus entrent
naturellement en jeu compte tenu du prix des études aux Etats-Unis.
Pour preuve: "les rejetons de familles aisées obtenant des scores
médiocres
ont légèrement plus de chancesd'aller à l'université que ceux d'origine modeste obtenant des bons
scores". Et Paul Krugman de tacler son homologue de Harvard pour sa
naïveté: "Il est réconfortant de penser que l'on vit dans une
méritocratie. Mais ce n'est pas vrai".
Car, comme l'explique Eric, un lecteur du
New York Times,
dans un commentaire: "cette statistique ignore complètement les effets
sur les résultats que peuvent avoir les ressources de l'école
(dépendant des taxes locales) et les circonstances familiales".
Riche et beauEt la question épineuse de la transmission de l'intelligence par les
gènes? Une petite histoire à ce propos. Einstein se serait vu courtisé
par une très belle demoiselle. L'argument de cette dernière: "Imaginez
nos enfants, ils auront ma beauté et votre intelligence". Einstein lui
répond: "Et s'ils héritent de ma beauté et de votre intelligence?" Il
faudrait donc savoir si les riches se marient à des gens beaux mais
bêtes, cela relativiserait la signification des courbes du
New York Times…
Guillaume Guichard