ISLAMABAD - Aujourd'hui à 15h39
Musharraf dit ses vérités dans ses mémoiresTrés intéressant Pervez Musharraf dit tout. Dans ses mémoires, le président pakistanais affirme que les Etats-Unis ont payé des millions de dollars à son pays pour l'extradition de membres d'Al-Qaïda, y compris le cerveau des attentats du 11-Septembre, et confie s'être rangé aux côtés de Washington dans la lutte contre le terrorisme pour éviter des représailles.
La sortie lundi de cet ouvrage, "In The Line of Fire" ("Dans la ligne de feu"), coïncide avec un déplacement du général Musharraf aux Etats-Unis. Elle ne devrait guère faciliter les discussions mercredi lors de sa rencontre à trois avec le président américain George W. Bush et son homologue afghan Hamid Karzaï.
A 63 ans, Pervez Musharraf est un des rares chef d'Etat encore en exercice à publier ses mémoires. Ces derniers temps, il a multiplié les attaques ou révélations fracassantes. Dans un discours lundi, il a regretté que le Pakistan soit transformé en bouc émissaire après la reprise des violences en Afghanistan, plaidant pour que M. Karzaï apprenne à mieux connaître son propre pays.
Le week-end dernier, il avait par ailleurs raconté que peu après le 11 septembre 2001, Richard Armitage, numéro deux du département d'Etat, avait menacé le Pakistan de bombardements si Islamabad, à l'époque proche du régime des talibans, ne collaborait pas avec Washington.
"Il était certain que l'Amérique allait réagir de façon violente, comme un ours blessé", écrit Pervez Musharraf dans ses mémoires. "S'il se révélait que l'auteur était Al-Qaïda, alors l'ours blessé aurait chargé directement dans notre direction".
Il avoue avoir envisagé une contre-attaque militaire à une éventuelle action américaine. Puis, il a conclu que les faiblesses militaires, économiques et sociales du Pakistan empêchaient toute confrontation. Il a alors décidé de se couper du régime taliban malgré le risque de représailles des groupes radicaux présents dans son pays, pour protéger les intérêts du pays.
Pervez Musharraf revient également sur les arrestations de membres présumés d'Al-Qaïda au Pakistan, dont les meurtriers du journaliste américain Daniel Pearl. "Nous en avons capturé 689 et extradé 369 aux Etats-Unis. Nous avons ainsi obtenu des récompenses de plusieurs millions de dollars", raconte le président pakistanais, sans donner de chiffre exact.
Parmi les suspects aux mains des Etats-Unis, l'ancien No3 du réseau d'Oussama ben Laden, Khalid Cheikh Mohammed, cerveau présumé des attentats du 11-Septembre capturé au Pakistan en mars 2003. M. Musharraf explique que Mohammed était derrière les attentats de juillet 2005 à Londres et projetait un attentat contre l'aéroport de Heathrow avec des pirates de l'air. C'est la première fois qu'un lien est établi entre le suspect et les attaques de la capitale britannique.
Le président pakistanais rapporte qu'un suspect arrêté à Lahore en 2004 avait reçu l'ordre du cerveau présumé des attentats du 11-Septembre d'effectuer une mission de reconnaissance à Heathrow, Canary Wharf et dans le métro londonien. Des informations figurant sur son ordinateur avaient permis d'établir un lien entre Mohammed et deux des quatre kamikazes des attentats de Londres.
Le président pakistanais estime en outre que son pays, les Etats-Unis et l'Arabie saoudite ont créé un "monstre" extrémiste en soutenant les groupes islamiques qui luttaient contre l'occupation soviétique en Afghanistan (1979-1989). "Nous avons assisté à la montée des Talibans après le retrait de l'Union soviétique de l'Afghanistan, qui a ensuite été froidement abandonné par les Etats-Unis", poursuit Pervez Musharraf.
Il s'inquiète enfin du fait que l'Inde soit dotée de l'armée nucléaire. Trois guerres ont déjà opposé les deux pays depuis leur indépendance du Royaume-Uni en 1947. "Les Indiens pourraient avoir été tentés d'entreprendre une offensive limitée" au Cachemire, "ou plus vraisemblablement, ils travailleraient avec les Etats-Unis et les Nations unies pour transformer la situation actuelle en statu quo permanent". AP