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 Neuf Trois

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JB40230
Tohu-Bohien
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MessageSujet: Neuf Trois   Neuf Trois EmptyJeu 10 Nov - 11:33

93 : Le n°1 de la violence

De la délinquance des mineurs aux homicides, la Seine-Saint-Denis, d'où sont parties les émeutes, cumule les records. Enquête dans un département socialement sinistré et où la loi, parfois, n'a plus droit de cité

Ce n'est pas l'effet du hasard si les émeutes ont débuté en Seine-Saint-Denis. Ce département, aux portes de Paris, conjugue, on le sait depuis longtemps, de multiples difficultés: taux de chômage record, urbanisme dégradé, multiplication des cités, immigration clandestine massive, etc. Côté délinquance, l'économie souterraine gangrène les cités, les bandes s'y déchirent et les jeunes y sont, plus qu'ailleurs, mêlés aux trafics et aux agressions. Car c'est surtout par sa violence que se distingue le «neuf-trois» ou le «neuf-cube». Ces derniers jours, elle a franchi un nouveau stade. Radiographie d'un département qui a mis le feu aux poudres.

135 304 crimes et délits ont été officiellement recensés l'an dernier en Seine-Saint-Denis. Bien qu'en baisse depuis 2001 - une année exceptionnelle - la délinquance a augmenté de près de 30% en dix ans. «Par rapport aux autres départements de la petite couronne parisienne, la densité des faits de délinquance est sans commune mesure», souligne Jacques Méric, directeur départemental de la sécurité publique. Avec environ 100 000 habitants de plus, les Hauts-de-Seine, par exemple, totalisent 30 000 infractions de moins.

La délinquance de voie publique, celle qui pourrit la vie des citoyens, ronge le 93. En 2004, la police a enregistré 10 466 vols avec violence, deux fois plus que dans le Val-de-Marne, les Hauts-de-Seine ou le Val-d'Oise. Et ils ont grimpé de 32% en dix ans. «En se comportant violemment, un délinquant court moins de risques d'être pris, car le vol se fait plus vite, explique froidement un policier. C'est une question de rentabilité.»

Ainsi, les vols à la portière deviennent un véritable fléau en Seine-Saint-Denis. Des jeunes à pied ou à scooter se placent à des endroits stratégiques, lors des embouteillages quotidiens sur la RN 1 ou dans le tunnel de l'autoroute A 1, avant la porte de la Chapelle. Très mobiles, ils cassent les vitres des voitures avec des morceaux de silex ou des bougies d'allumage. Les femmes seules et les taxis revenant de l'aéroport de Roissy sont particulièrement visés. «Si la personne résiste, ils n'hésitent pas à la frapper», indique un officier.

«Auparavant, on pouvait avoir peur d'être attaqué; aujourd'hui, on peut être tué»

Autre exemple de cette violence: le saucissonnage ou le vol à l'arraché. Le 25 octobre au soir, à Aubervilliers, deux individus encagoulés et armés pénètrent de force chez un homme de 36 ans. Après l'avoir ligoté, ils lui assènent deux coups de crosse sur la tête. Butin: 850 euros. Parfois, on frôle le drame. Ainsi, le 19 octobre, à Aulnay-sous-Bois, Jérémie, 17 ans, a eu la peur de sa vie en se faisant dérober son téléphone portable: l'auteur, armé d'un pistolet, a appuyé sur la détente, mais aucun coup n'est parti… Les armes blanches et de poing ne se comptent plus. Le 17 octobre, par exemple, les policiers se rendent à Clichy-sous-Bois, chez un menuisier de 20 ans auteur de nombreuses infractions au Code de la route. Ils découvrent des câbles électriques et un pistolet modèle Python, calibre 360, dont le numéro de série a été limé.

Non seulement frapper quelqu'un pour le voler n'est plus un tabou, mais la gravité des actes, elle aussi, augmente. «Auparavant, on pouvait avoir peur d'être attaqué; aujourd'hui, on peut être tué», s'alarme un élu. Le département bat en effet des records pour le nombre d'homicides: 57 en 2004 (+ 18% par rapport à 2003); le plus souvent, il s'agit de simples différends qui tournent mal. Un homme est mort pour avoir refusé de donner une bouteille à l'une de ses connaissances, alcoolique. Ce dernier l'a d'abord insulté, puis frappé à l'aide d'une batte de base-ball, avant de lui porter une vingtaine de coups de couteau. A la suite d'une querelle, à Aubervilliers, un autre individu est décédé dans la rue, atteint à l'abdomen par une balle de 9 millimètres.


Les prises d'otages et les séquestrations - 155 en 2004 (+ 32% par rapport à 2003) - sont de plus en plus érigées en mode de règlement des conflits. «Elles ont pour unique motif le recouvrement musclé des créances», explique un commissaire du SDPJ 93. La plupart sont liées au trafic de drogue dans les cités, ou aux problèmes des clandestins. Deux réseaux de passeurs chinois, issus de la même province, sont tombés récemment. Après leur arrivée en France, les étrangers étaient pris en charge par une organisation qui les maltraitait en attendant que leurs familles paient. Deux femmes violées sont ainsi passées par la fenêtre en tentant de fuir leurs geôliers. Un homme a été retrouvé ligoté et bâillonné en bas de son immeuble. Il avait été battu à coups de barre de fer avant d'être défenestré.

Certaines communautés étrangères, qui peuplent en nombre la Seine-Saint-Denis, importent leur propre délinquance et leur lot de violence. «Certaines n'ont pas de limites», indique un policier. Le 25 juillet, une bagarre entre une trentaine d'individus, dont deux armés de sabre, a éclaté dans un cinéma tenu par un Sri Lankais. Une femme originaire du même pays a subi des brûlures sur tout le corps et des coups de pied, de poing et de câble par son mari - et ses enfants! - qui la soupçonnait d'adultère… «Puisque les Maghrébins sont installés dans le trafic de drogue, les Noirs cherchent à s'imposer dans d'autres business: les vols à la portière ou le carjacking», remarque un commissaire.

Une véritable PME de la drogue
Le dramatique assassinat de Jean-Claude Irvoas, à Epinay-sur-Seine, parce qu'il avait le tort de prendre des photos de candélabres dans un quartier auquel il était étranger, est la triste et révoltante illustration d'un autre phénomène, plus grave pour l'avenir. «C'est le signe de la ghettoïsation de certains quartiers, analyse Bruno Le Roux, député (PS) de la circonscription. Sa voiture n'est pas d'ici, on ne le connaît pas, il n'a rien à faire là, donc on le dépouille et on le frappe. Dans l'échelle de l'inacceptable, c'est le summum.» «Chaque cité est un champ clos», confirme un commissaire des Renseignements généraux, qui souligne la recrudescence des bandes depuis le début de l'année.

A Pantin, au début de 2005, deux bandes rivales, de la cité Hoche et de celle des Courtillères, se sont affrontées près d'un centre commercial. Un coup de feu a été tiré. En septembre, à Noisy-le-Grand, la police a interpellé une vingtaine de jeunes qui se bagarraient à coups de nerf de bœuf, de couteau et de barre de fer, après un concert de rap. «Ces phénomènes, à la base des violences urbaines, n'ont rien à voir avec les gangs américains, beaucoup plus structurés, souligne un spécialiste des RG. En France, les bandes s'articulent autour d'un petit noyau d'individus, liés par le territoire de la cité. Mais les groupes peuvent s'élargir de façon ponctuelle, en fonction des circonstances, pour s'affronter ou, comme en ce moment, mettre le feu et s'en prendre aux forces de l'ordre.»

Avant les troubles de ces derniers jours, une quarantaine de cités étaient classées «sensibles» par les RG, comme les Beaudottes, à Sevran, ou Aulnay 3000. Le calme relatif qui régnait dans les autres était attribué à la mainmise des voyous sur ces quartiers, où ils font prospérer leur business. Le désordre nuit aux affaires… L'économie souterraine est en effet une autre plaie du département. Par exemple, un groupe de trafiquants de drogue avait investi la cité d'Orgemont, à Epinay-sur-Seine. Il était organisé comme une véritable entreprise, avec sa hiérarchie et ses horaires. Autour d'un noyau dur, le grossiste et ses adjoints directs, gravitaient une quarantaine de personnes qui travaillaient de 9 h 30 à 21 heures précises, jamais plus de trois jours d'affilée. Les plus modestes avaient pour tâche de guider les clients vers les revendeurs, répartis dans huit endroits du quartier. D'autres assuraient le ravitaillement en drogue. Enfin, des «commerciaux» relançaient, par téléphone, les clients potentiels en proposant des promotions: «5 grammes de coke à 250 euros» …

Cette PME de la drogue dégageait de 3 000 à 5 000 euros par jour. Les revendeurs touchaient entre 50 et 300 euros, selon leurs performances. Les guetteurs recevaient 80 euros. Ces postes subalternes avaient été confiés à des mineurs. Pour en venir à bout, les policiers ont enquêté pendant plus d'un an. Les auteurs de ce trafic viennent d'être condamnés à des peines allant jusqu'à quatre ans de prison ferme - l'affaire est en appel.

Mais il n'aurait fallu que quelques jours pour que d'autres dealers occupent la place laissée vacante… «Il est probable qu'aucune cité n'échappe totalement à cette économie parallèle», déplore le procureur de la République de Bobigny, François Molins. La manne issue des trafics irrigue les grands ensembles et attire les plus jeunes, qui y voient une sorte de promotion sociale.

La délinquance des mineurs reste en effet le souci le plus préoccupant de la Seine-Saint-Denis. C'est un problème de fond. Comme en témoigne le commissaire Philippe Lutz, patron du district de Bobigny. Chaque année, il intervient dans les collèges afin de sensibiliser les enfants, auxquels il demande de répondre, de façon anonyme, à un questionnaire. «25% des élèves considèrent que frapper un copain ou insulter un professeur n'est pas grave, commente Lutz. Ils sont parfois 10% à penser qu'incendier un véhicule ne l'est pas non plus.»

«Les deux tiers des effectifs du commissariat de Saint-Denis ont moins de cinq ans d'ancienneté»

La part des mineurs représente 21,92% de la totalité des actes de délinquance. Un rapport de l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ), portant sur le fonctionnement de la juridiction des mineurs, notait que, en 2003, 9 925 affaires avaient été poursuivies à Bobigny, contre 4 107 à Créteil, 4 134 à Marseille et 6 673 à Paris… Ce qui fait du tribunal pour enfants de Bobigny le premier de France.

Les raisons de cette désastreuse situation sont d'abord sociales. Sur les 1 396 122 habitants de la Seine-Saint-Denis, 250 000 vivent sous le seuil de pauvreté, dont 28% des moins de 20 ans. «Ceux qui vont le plus mal et qui posent le plus de problèmes sont les jeunes déscolarisés», note Charlotte Trabut, juge au tribunal de Bobigny et membre de l'Association des magistrats de la jeunesse et de la famille. «Beaucoup de jeunes en échec scolaire sont orientés vers des formations professionnelles qu'ils n'ont pas souhaitées ou qui sont des voies de garage, affirme-t-elle. Du coup, ils ne vont plus en cours et sont, peu à peu, livrés à eux-mêmes.»

Ces mineurs délinquants ne sont pourtant pas tous de dangereux malfaiteurs. Certains ont bien, selon un magistrat, «des palmarès incroyables», notamment en matière de vol avec violence ou de vol à la roulotte. «Mais, poursuit-il, la plupart du temps, les dossiers portent sur quatre ou cinq infractions.» Tel cet adolescent, alcoolique depuis l'âge de 14 ans, qui vole des voitures quand il est ivre...

Une vie judiciaire à flux tendu
Un autre constat inquiète: la montée en puissance, chez les mineurs, des procédures pour «outrage à agent de la force publique», établies lors des contrôles d'identité. «Elles représentent un cinquième de mes dossiers, déplore Charlotte Trabut, qui remarque: cela ne fait qu'aggraver le contentieux qui existe entre les jeunes et la police.»

De son côté, le parquet a reçu, en 2004, plus de 180000 nouveaux dossiers. Et peine à faire face. Exemples d'une journée ordinaire au tribunal de grande instance de Bobigny. Lundi 31 octobre, 13 heures, jour des comparutions directes. La salle n° 4, aux bancs de bois blanc, se peuple lentement. Les magistrats s'installent pour une séance qui promet d'être longue. Cédric, une vingtaine d'années, s'est fait coincer le 17 septembre, alors qu'il volait des autoradios. Le jeune homme, à l'allure pourtant sage, est un toxicomane sous traitement de substitution. Il habite dans une caravane avec sa femme et ses quatre enfants. Il n'a pas d'avocat. «Voulez-vous vous défendre vous-même? demande, dubitative, la présidente. - Non», répond Cédric. L'affaire est renvoyée en fin de séance, de quoi laisser à l'avocat de permanence le temps de parcourir rapidement le dossier.

Vient ensuite le tour de Zena. Le jeune homme n'arrive pas à expliquer pourquoi il s'est fait contrôler, à deux reprises, sans permis de conduire. «Je devais voir un ami», bredouille-t-il. Il écope de deux mois avec sursis. Aussitôt, un autre accusé prend sa place. C'est un jeune Egyptien copte en situation irrégulière. Il n'a pas de défenseur non plus et ne comprend pas le français. «Le traducteur est-il disponible?» interroge la présidente. On va le chercher dans la salle voisine, mais il traduit un verdict à d'autres accusés. Finalement, le jeune copte a droit à un délai: une semaine. En attendant, il couchera en prison.

Dehors, dans le jardin intérieur qui tient lieu de salle des pas perdus, les familles et les copains attendent les jugements. Une jeune femme escorte son père d'origine maghrébine. Le vieil homme, accablé, doit s'adresser à l'aide juridictionnelle pour dénicher un avocat pour son fils. C'est elle qui traduit. La Seine-Saint-Denis a le record national de cette aide, délivrée aux plus démunis: 10% en profitent.

Ainsi va la vie judiciaire à Bobigny, à flux tendu. Le dernier rapport de l'Inspection générale des services judiciaires affirme ainsi que les magistrats traitant de la délinquance des majeurs «sont confrontés à une charge de travail trop importante et ne disposent pas du temps nécessaire pour assumer l'intégralité de leurs tâches. [...] [Ils] ne sont pas en capacité de suivre les enquêtes en cours et d'assurer une direction effective de la police judiciaire».

La police se heurte aux mêmes problèmes récurrents. «Les effectifs ne sont pas à la hauteur des enjeux du département le plus dur de France», déplore Frédéric Lagache, responsable du syndicat Alliance. Les 4300 fonctionnaires du 93 sont principalement constitués de novices, tout juste sortis de l'école de police. Beaucoup sont encore stagiaires. «Les deux tiers des effectifs de police du commissariat de Saint-Denis ont moins de cinq ans d'ancienneté», tempête un officier. Et l'encadrement fait cruellement défaut: les gradés sont mutés en province… Car la plupart des fonctionnaires n'aspirent qu'à une chose: partir! En quatre ans, c'est l'ensemble du corps des gardiens de la paix qui est ainsi intégralement renouvelé. «Si l'on veut répondre à la criminalité, il faut absolument des policiers opérationnels fidélisés», remarque Eric Blot, du syndicat Synergie Officiers.

Reste à savoir si un surcroît de policiers plus expérimentés et l'arrivée de nouveaux magistrats suffiraient à sortir la Seine-Saint-Denis de la crise. Sans doute pas, car cette insécurité est évidemment liée aux lourdes difficultés économiques et sociales qui plombent le département. La réponse doit donc venir des politiques. Il est déjà bien tard…
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